Jean Moulin, pourquoi aujourd’hui ?

Un homme guidé par des valeurs républicaines

Né à Béziers dans l’Hérault le 20 juin 1899, Jean Moulin a reçu une éducation républicaine sous l’égide de son père Antoine Émile Moulin, enseignant de métier et passionné par les affaires publiques. Ses valeurs républicaines, il les a mises au service de la République, d’abord durant sa carrière dans l’institution préfectorale et, ensuite, en tant que résistant contre l’occupation nazi et le régime de Vichy. Jean Moulin devint, en mai 1943, le premier président du Conseil National de la Résistance, qui incarnait l’unité de la Résistance et renforçait la position du général de Gaulle sur la scène internationale.

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Né à Béziers dans l’Hérault le 20 juin 1899, Jean Moulin a reçu une éducation républicaine sous l’égide de son père Antoine Émile Moulin, enseignant de métier et Républicain, engagé dans la vie publique et les affaires politiques. Militant au Parti radical, il fut plusieurs années conseiller municipal de la ville de Béziers et adjoint au maire, Alphonse Mas. Très tôt défenseur de Dreyfus, il participa à la création à Béziers d’une section de la Ligue des droits de l’homme dont il devient le président. En 1913, il fut élu conseiller général de l’Hérault et accède rapidement à la vice-présidence de l’assemblée départementale.

Ses valeurs républicaines héritées de son père, Jean Moulin les a entretenues et les a mises au service de la France en choisissant une carrière dans l’institution préfectorale. En 1917, âgé de 18 ans, il a commencé sa carrière en tant qu’attaché au cabinet du préfet de l’Hérault. À 26 ans, il est devenu le plus jeune sous-préfet de France à Albertville en Savoie. Il s’est lié d’amitié avec Pierre Cot, député radical-socialiste de la 2ème circonscription de Chambéry. Les deux hommes partageaient l’idée d’un programme politique libéral reposant sur des réformes sociales et se retrouvaient souvent pour s’adonner à une passion commune : le ski. Cette rencontre a grandement influencé sa carrière. En étant nommé préfet de l’Aveyron à 38 ans, il est devenu le plus jeune préfet de France de l’époque. Nommé en janvier 1939 préfet d’Eure-et-Loir, cela fut son dernier poste dans le corps préfectoral jusqu’à sa révocation par le maréchal Pétain en novembre 1940 car considéré comme défenseur de la République et proche des idées Front populaire, qu’il avait soutenu avant la Guerre. Cette mise à pied, Jean Moulin l’avait anticipée, et prépara son entrée en résistance contre le nazisme et le régime de Vichy. Pierre Meunier indiquait mi-novembre 1940 : « Il voulait rassembler tous les groupes de résistance qui commençaient à se former aussi bien en zone nord qu’en zone Sud. » Jean Moulin disait ainsi à son ami le docteur Mans: « Nous ne devons pas accepter la défaite. Il nous faut résister aux Allemands, entreprendre une action clandestine, mais avec prudence et à bon escient. Il faut d’abord nous compter, nous regrouper, pour pouvoir mieux agir ensuite. » 

Ses valeurs républicaines et son engagement dans la Résistance, il choisit de les mettre au service du général de Gaulle, qu’il rencontra à Londres le 20 octobre 1941 pour lui présenter l’état de la résistance intérieure et ses besoins financiers et en armement. Il fut parachuté dans les Alpilles sous le nom de code Rex, dans la nuit du 1er au 2 janvier 1942. En tant que représentant personnel du général de Gaulle, il avait deux missions. La mission politique était d‘unifier les différents mouvements de résistance et de faire reconnaître l’autorité du général de Gaulle sur ces mouvements. La mission militaire était de créer une armée secrète unifiée pour consolider les forces armées de la Résistance et mener une insurrection générale dès que les Alliés débarqueraient en France. Ces missions, délicates et périlleuses en raison de la répression omniprésente des nazis et du régime de Vichy, nécessitaient une grande habileté politique et une connaissance approfondie du terrain. Opérant dans la clandestinité la plus totale, Jean Moulin dut déployer toute son énergie et sa diplomatie pour tisser des liens avec les différents chefs de mouvements, parfois méfiants et rivaux les uns envers les autres. Il parvint à créer des organes clés pour la résistance intérieure, tels que le Comité général d’études ou le Bureau d’information et de presse. Son objectif était clair : non seulement créer un front uni de la Résistance, capable de coordonner ses actions et de peser sur le cours de la guerre, mais aussi à démontrer aux Alliés la vitalité de la Résistance intérieure et la légitimité du général de Gaulle comme chef de la France Libre.

Après de longues négociations et de nombreux déplacements clandestins, il réussit à créer le Conseil de la Résistance (qui deviendra le Conseil National de la Résistance) en mai 1943, un organe de coordination qui rassemblait les principaux mouvements, syndicats et partis politiques résistants. Sur le point de la composition, de furieuses oppositions ont opposé des résistants. Jean Moulin et le général de Gaulle tiennent bon car contrairement aux personnalités politiques d’avant-guerre, les chefs des mouvements de résistance étaient des inconnus aux yeux des Alliés. Jean Moulin devint le premier président du CNR, incarnant l’unité de la Résistance et renforçant considérablement la position du général de Gaulle sur la scène internationale. Son action a contribué à faire reconnaître la France Combattante comme la seule représentante légitime de la France par les Alliés, lui permettant d’être, le 8 mai 1945, officiellement signataire de l’acte final de capitulation aux côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni. 

L’auteur de fines caricatures reconnues, cordes vibrantes de la liberté d’expression

Dès l’enfance, Jean Moulin a révélé un talent certain pour le dessin. Plus connu sous le nom de Romanin, ses dessins, souvent percutants et espiègles étaient l’expression d’un engagement citoyen, qui participait à la vitalité de la liberté d’expression. Dans les années 1930, durant son séjour en Bretagne, il est profondément touché par le recueil de poème les Amours Jaunes de Tristan Corbière, et décide d’illustrer l’une de ses séries de poèmes, Armor. Son goût de l’art vivra également pendant la Résistance, puisqu’il  inaugura sa galerie « Romanin » en février 1943 à Nice, cette activité lui servant de couverture officielle pour ses nombreux déplacements. Pour découvrir les œuvres artistiques de Jean Moulin, nous vous invitons à se référer au site de sa famille : https://www.jeanmoulin.fr

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Derrière le haut fonctionnaire républicain et le résistant se cachait un artiste talentueux. Dès l’enfance, Jean Moulin révélait un talent certain pour le dessin, croquant ses professeurs avec une malice qui annonçait déjà son esprit critique. Ses premières caricatures, publiées dans des journaux satiriques comme La Baïonnette ou La Guerre Sociale, témoignent d’un jeune homme engagé, utilisant l’humour pour dénoncer les travers de la société. Sous le pseudonyme de « Romanin », qu’il adopta en 1922, il continua à exercer son art, publiant dans de nombreux journaux tels que Le Rire ou Les Carnets de la Semaine.

La satire, en France, est bien plus qu’une simple forme d’expression artistique ; elle est un pilier de la liberté d’expression, inscrite dans l’histoire et les valeurs de la République. Ce lien profond est nourri par un héritage culturel riche, où l’esprit critique et l’humour ont toujours une place centrale dans le débat public. Ainsi les caricatures de Jean Moulin, à replacer dans le contexte social et politique de son époque, ont contribué au débat public, que ce soit en critiquant des idées, des situations ou des personnes. Ses dessins, souvent percutants et drôles, étaient l‘expression d’un engagement citoyen, qui participait à la vitalité de la liberté d’expression. 

Son séjour en Bretagne, en tant que sous-préfet de Châteaulin, a offert à Jean Moulin un terreau fertile pour développer une nouvelle facette de son art. Sous l’influence de l’atmosphère mystique de la région et de multiples rencontres, son œuvre s’est faite plus introspective et plus sombre. Il expérimenta aussi de nouveaux médiums, comme la gravure, la faïence, ou les eaux-fortes qui lui permettent d’exprimer une palette émotionnelle plus étendue. Profondément touché par le recueil de poème les Amours Jaunes de Tristan Corbière, il décida d’illustrer l’une de ses séries de poèmes, Armor. En 1935, l’ouvrage illustré a été publié et les eaux-fortes saisissantes ont été exposées au Salon d’Automne, au Grand Palais. Parmi elles, La pastorale de Conlie, représentant les massacres de la guerre de 1870, semble évoquer de manière prémonitoire les atrocités de la Seconde Guerre mondiale et des camps de concentration. Les vers de Corbière ont accompagné le résistant, qui les utilisa comme une clef de ses messages codés. Pendant la Résistance, l’art resta proche de lui. La galerie « Romanin » qu’il inaugura en février 1943 à Nice, lui servait de couverture officielle pour ses nombreux déplacements.

Pour découvrir les œuvres artistiques de Jean Moulin, nous vous invitons à se référer au site de sa famille : https://www.jeanmoulin.fr

Un humaniste, attaché la paix internationale et à l’amitié

Son humanisme, Jean Moulin l’incarnait par des mots et par des actes, que ce soit avec ses proches, ses amis ou ses concitoyens. Jane Boullen, l’infirmière-chef qui l’accompagna lors des journées tragiques de Chartres envahie par les allemands en juin 1940 écrivait : « Il faut l’avoir vu se pencher près d’un mourant pour savoir ce que son âme contenait de force et d’humanité. Il n’était pas religieux, mais il avait une âme si sensible et si vibrante qu’après cette première sortie avec lui dans les quartiers bombardés, j’avais l’impression que j’approchais un saint. »

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Son humanisme, Jean Moulin l’incarnait d’abord par les mots, par exemple dans son discours à la distribution des prix du lycée Ferdinand Foch de Rodez, le 13 juillet 1938. Dans ce discours sur l’humanisme, il ne rendait pas seulement hommage au poète Pierre de Nolhac, mais aussi à son propre père, Antonin Moulin, professeur de Lettres : « Moins envoûtés que nous par la civilisation matérielle, les auteurs grecs et latins sont plus dépouillés que nous de convention, et leur discipline est plus près de la nature. Aucun des grands problèmes de l’esprit n’a échappé à leur examen ; aucun des drames de l’humanité ne les a laissés indifférents. Nul n’a mieux scruté l’âme humaine, mis en lumière ses faiblesses, exalté sa grandeur, et d’être allé plus loin dans l’étude intérieure de l’homme leur a donné le sens de la mesure et de l’harmonie, éléments essentiels de la sagesse et principes mêmes de la poésie. D’avoir sondé les possibilités de l’homme leur a conféré cette foi dans ses destinées qui nous assure, à jamais, de précieux exemples de volonté et d’énergie. »

Son humanisme s’est matérialisé par un soutien à la paix internationale et au règlement pacifique des conflits entre les Nations. En effet, lors d’un discours en novembre 1932 pour une cérémonie en souvenir d’Aristide Briand, artisan de la paix et défenseur de la Société des nations (ancêtre de l’Organisation des Nations Unies), et après avoir évoqué celles et ceux « qui ont fait don de leur vie pour sauver le pays et la civilisation toute entière » Jean Moulin mit en avant une mission, celle de « travailler à donner, à leurs fils, à leurs descendants, une paix sincère et durable. »

Jean Moulin incarnait aussi son humanisme par des actes, que ce soit avec ses proches, ses amis ou ses concitoyens. Dans sa biographie, Laure Moulin mettait en avant les souvenirs poignants de Jane Boullen, l’infirmière-chef qui l’accompagna lors les journées tragiques de Chartres envahie par les allemands en juin 1940 : « Dans un silence de mort nous arrivons dans les vieux quartiers de la ville; il y a des blessés et des morts; une terrible panique se lit sur les visages de ceux qui sont restés. Il faut l’avoir vu se pencher près d’un mourant pour savoir ce que son âme contenait de force et d’humanité. Il n’était pas religieux, mais il avait une âme si sensible et si vibrante qu’après cette première sortie avec lui dans les quartiers bombardés, j’avais l’impression que j’approchais un saint. »

Jean Moulin était aussi fidèle en amitié comme en témoigne sa réponse, relatée par sa sœur, à une feuille aveyronnaise, l’Union catholique, publiée le 12 octobre 1938. “L’article faisait grief à l’ancien ministre de l’Air, Pierre Cot, lieutenant de réserve dans l’aviation, de s’être fait verser avec son grade dans l’artillerie, afin, insinuait-on, d’être moins exposé en cas de conflit. Jean Moulin exprima son indignation et son intention de répondre à ces calomnies à Brottes, son chef de cabinet. Il lui répondit: « Mais, monsieur le préfet, ce n’est pas vous qui êtes directement attaqué. Légalement, je crois, vous n’avez pas le droit de réponse. » Mon frère lui répliqua d’un ton furieux : « Alors, vous, l’amitié, qu’est-ce que vous en faites ? »“ Jean Moulin, adressa une longue lettre argumentée au directeur de la publication, dont l’extrait suivant relate la teneur du propos « Comme préfet de l’Aveyron, je me suis abstenu et je m’abstiendrai de toute polémique politique. Mais je tiens à vous prévenir qu’il y a deux choses auxquelles je ne permettrai à quiconque de porter atteinte : c’est au patriotisme et au courage de mon ancien chef [Jean Moulin fut le chef de cabinet du ministre de l’Air Pierre Cot en 1936]. » Il le défendit également lors du procès de Riom en 1942, notamment en justifiant l’importance du soutien aux républicains espagnols en 1936. Visionnaire, il écrivait au début du conflit espagnol à son ami Antonin Mans que « si les pays démocratiques et nous-mêmes ne portons pas immédiatement secours aux républicains espagnols, avec des moyens suffisants, malgré leur résistance héroïque et l’aide lointaine de la Russie il ne tarderont pas à être écrasés. […] Les dictateurs, grisés par ce succès, qui leur assurera un inestimable bastion en Méditerranée, poursuivront de plus belle leur politique d’agression, Hitler surtout. Il s’attaquera à l’Autriche, à la Pologne, à la Tchécoslovaquie et ce sera ensuite à notre tour d’être menacés. » Antifasciste convaincu, Jean Moulin a fait tout ce qui était en son pouvoir, aux côtés de Pierre Cot, pour apporter de l’aide aux républicains espagnols.

Un héros de la Résistance doté d’un courage et d’un sens du devoir infaillibles 

Jean Moulin manifesta un courage et un sens du devoir exceptionnels, que ce soit en tant que préfet d’Eure-et-Loir ou de chef de la Résistance. Son arrestation le 21 juin 1943 à Caluire-et-Cuire et les tortures qu’il subit témoignent de la barbarie nazie, mais aussi de l’incroyable force d’âme de cet homme. Jusqu’à son dernier souffle, le 8 juillet 1943, Jean Moulin incarna la grandeur de la Résistance, celle qui refuse de céder face à l’injustice et à la barbarie.

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Jean Moulin, figure emblématique de la Résistance française, manifesta très tôt un courage et un sens du devoir exceptionnels. Avant même le début de la guerre en décembre 1938, il exprima sa volonté de servir sur le front, demandant à maintes reprises à être relevé de ses fonctions de préfet pour rejoindre les rangs de l’armée. Malgré ses sollicitations répétées auprès du ministre de l’Intérieur, qui témoignent d’une détermination inébranlable à servir l’intérêt général, même dans des conditions difficiles, il fut maintenu à son poste. 

En juin 1940, face à l’occupation allemande, Jean Moulin, alors préfet de Chartres, fut confronté à une situation intolérable. Les autorités allemandes cherchèrent à le contraindre à signer un document diffamatoire accusant les tirailleurs sénégalais d’avoir commis des violences et des atrocités sur des femmes et des enfants. Malgré les nombreuses injures, pressions et coups qu’il reçut, Jean Moulin refusa de signer ce faux document pour ne pas déshonorer l’armée française. Dans la pièce où il fut enfermé la nuit suivante, il saisit des débris de verre et se trancha la gorge pour éviter de céder. Ses blessures, bien que graves, ne furent pas mortelles. Il reprit son poste de préfet. Il n’eut de cesse d’assurer la sécurité et de protéger les intérêts de la population face aux exactions de l’occupant. Considéré comme un défenseur de la République et proche des idées Front populaire qu’il avait soutenu avant la Guerre, Jean Moulin fut révoqué en novembre 1940 par le régime de Vichy, qui prôna une Révolution nationale et une collaboration avec l’Allemagne nazie. Comme le relatait sa sœur dans sa biographie « Cette nouvelle consterna la population. Les marques de sympathie affluèrent. La presse fut unanime à exprimer ses regrets et à faire l’éloge de ce préfet dévoué, intelligent et courageux. »

Arrêté à Caluire-et-Cuire le 21 juin 1943, il fut soumis à des tortures atroces. Malgré les sévices endurés, il refusa de révéler la moindre information alors qu’il connaissait tous les détails de la Résistance. Son arrestation et les tortures qu’il subit témoignent de la barbarie nazie, mais aussi de l’incroyable force d’âme de cet homme. Jusqu’à son dernier souffle, le 8 juillet 1943, Jean Moulin incarna la grandeur de la Résistance, celle qui refuse de céder face à l’injustice et à la barbarie.
Le 19 décembre 1964, Jean Moulin entre au Panthéon, accompagné par un cortège funèbre et les notes funèbres de Chopin. 

Le discours d’André Malraux, avec sa célèbre formule « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège…», a transcendé l’hommage individuel pour célébrer l’ensemble de la Résistance, inscrivant cet épisode crucial de l’histoire de France au cœur de la mémoire nationale

Vers la fin du discours, Malraux évoque le Chant des partisans « murmuré comme un chant de complicité, puis psalmodié dans le brouillard des Vosges et des bois d’Alsace, mêlé aux cris perdus des moutons des Tabors », il est alors accompagné par des tambours amorçant en sourdine les roulements qui annoncent le chant.

Le discours se termine par un appel à la jeunesse à se souvenir : « Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France. »